Société. La révolte des blouses bleues ( les gardiens de parking ou les gardiens de voitures)

Publié le par Le Blog - la Voix Des Travailleurs - V.d.T.

Mercredi 7 Février 2007
 
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Par Mehdi Sekkouri Alaoui
Société. La révolte des blouses bleues

 
(TNIOUNI / NICHANE)

L'installation de nouveaux horodateurs dans la commune casablancaise de Sidi Belyout inquiète logiquement les gardiens de parking. Et ils le font savoir…


Les gardiens de voitures ne tiennent plus en place. En moins d'un mois, des dizaines d'entre eux (200 d'après les organisateurs) en sont à leur troisième sit-in devant la wilaya de Casablanca. Motif : protester contre l'installation imminente de nouveaux horodateurs dans plusieurs artères de la ville, ce qui met en danger leur gagne-pain. “Et ce n'est qu'un début, prévient Mansour El Joundi, du bureau syndical des
employés des services publics et trottoirs. Si rien n'est fait pour résoudre notre problème, nous sommes prêts à monter dès demain des tentes devant la wilaya, de nous y installer pour une grève de la faim illimitée, voire organiser une marche populaire sur l'autoroute reliant Casablanca à Rabat”.

Un nouveau concessionnaire
À l'origine du conflit, l'entrée en activité de Parkigran, la société espagnole qui a décroché l'appel d'offres international lancé par la ville de Casablanca en 2006, pour la mise en place d'un nouveau parc d'horodateurs. Il faut rappeler que la métropole n'en est pas à sa première expérience en la matière. Depuis 1992, différents contrats ont été passés avec des concessionnaires, avec des résultats pas toujours très heureux. Dans la plupart des cas, les sociétés concessionnaires n'avaient pas respecté leurs engagements. L'une d'entre elles aurait même laissé une ardoise conséquente à la ville. “Bien fait pour eux, enrage Haj Omar, septuagénaire qui a derrière lui une carrière de 40 ans de gardiennage. Cela vous montre le degré d'incompétence de nos élus, qui font n'importe quoi avec l'argent public”. Avec de tels précédents, pourquoi les responsables de la commune urbaine s'entêtent-ils à réitérer l'opération ? “En nous basant sur différentes études, et notamment sur le récent plan de déplacement urbain à Casablanca, nous sommes arrivés à une conclusion simple : le retour aux horodateurs est la solution la plus adéquate pour permettre une meilleure fluidité de la circulation et mettre fin à la gestion actuelle des parkings, pour le moins archaïque”, répond Tawfik Ahmed Naciri, chef de la division des autorisations et d'exploitation à la communauté urbaine de Casablanca, qui ajoute : “Nous n'allons rien inventer. Aujourd'hui, toutes les grandes villes dans le monde ont opté pour ce système”.

À charge pour le concessionnaire espagnol de faire oublier les errements du passé. En tout cas, son CV plaide incontestablement en sa faveur : 20 ans d'expérience dans le domaine de la gestion des horodateurs et une présence dans les grandes villes espagnoles. Sans oublier que le matériel que Parkigran compte installer courant février fait appel au nec plus ultra en matière technologique. Fonctionnant à l'énergie solaire (ce qui évitera de creuser des tranchées pour les raccorder au réseau électrique), ces horodateurs comportent en outre un système d'information qui alimentera une centrale informatique. Cette dernière pourra délivrer des statistiques chiffrées, qui contribueront à une meilleure compréhension et, partant, une gestion plus efficace, de la circulation dans la ville.

La concession, qui concernera dans un premier temps 4000 places de parking dans la commune de Sidi Belyout, coûtera à Parkigran une redevance annuelle de 6,4 millions de dirhams, versée à la ville de Casablanca. À terme, le parc s'étendra à d'autres communes, pour couvrir quelque 10 000 emplacements.

Que faire des gardiens ?
Dans cette nouvelle configuration, que vont devenir alors nos traditionnelles “blouses bleues” ? D'après les responsables de la commune urbaine de Casablanca, en parallèle avec la signature du contrat de concession, “il a été convenu que Parkigran donne la priorité, lors de sa phase de recrutement, aux gardiens détenant des autorisations d'exercer”. Une perspective qui ne rassure pas pour autant Mansour El Joundi : “Il faut savoir que ceux qui ont des autorisations sont un peu moins de 600. Mais chacun d'entre eux emploie entre une et trois personnes pour l'épauler. Et si on compte ceux qui travaillent dans l'informel, on peut dire que la commune de Sidi Belyout compte pas moins de 1500 gardiens, dont beaucoup sont âgés ou handicapés. Vous pensez vraiment que la nouvelle société va recruter tout ce monde ?”.
Tawfik Ahmed Naciri parle d'un deal concernant à peine une centaine de gardiens, alors que les responsables de Parkigran affirment pouvoir aller, dans le meilleur des cas, jusqu'au double de cet effectif. Quid des autres, alors ? “Ils vont tout simplement se retrouver sans ressources, comme les centaines de familles qu'ils font vivre”, répond El Joundi. Une éventualité qui serait loin de réjouir… les sécuritaires. “Quand des centaines de personnes perdent leur travail du jour au lendemain, beaucoup d'entre elles risquent de virer vers la criminalité. Et cela peut devenir difficile à gérer”, souligne cet agent des renseignements généraux, qui avoue par la même occasion : “Ce sera aussi une grande perte pour nous : les gardiens représentent pour nous une précieuse source d'information”.

Tout en brandissant la menace d'une escalade de la crise, les représentants des gardiens se disent cependant prêts au dialogue. “Nous ne souhaitons pas arriver au pire avec les responsables de la commune. Au contraire, s'ils veulent organiser cette ville, nous sommes prêts à les y aider”, souligne El Joundi. La solution ? Ce dernier l'entrevoit dans une sorte de complémentarité entre les hommes et les machines. “Les horodateurs ne peuvent offrir des services comme le lavage. Nous proposons de le faire à leur place. Si ces machines doivent être installées, il faudrait également que les gardiens demeurent à leur place. En contrepartie, nous demandons un tout petit pourcentage sur les recettes, que nous complèterons par les rentrées desdits services”, propose El Joundi. Une perspective séduisante en théorie, mais qui semble difficilement réalisable.

En attendant, les gardiens continuent à mettre la pression : sit-in, lettres ouvertes, rencontres avec les médias… Le syndicat serait même parvenu à réunir 3000 signatures de soutien. Celles des gardiens, bien évidemment, mais aussi de propriétaires de voiture ou simples résidents de la commune, qui voient d'un mauvais œil l'arrivée des nouvelles machines. À deux dirhams par heure de stationnement, on peut les comprendre…

 


Parking. De nouvelles règles

À partir de la mi-février, il vous en coûtera 2 dirhams par heure pour stationner votre véhicule dans les espaces gérés par les nouveaux horodateurs de Parkigran (dans la commune de Sidi Belyout). Les emplacements sont payants du lundi au vendredi et de 8h00 à 19h00. Petite innovation, l'automobiliste pourra payer en espèces, mais également via une carte prépayée. Pour autant, les résidents à proximité des horodateurs comme les salariés des entreprises du voisinage peuvent souscrire à un abonnement mensuel, coûtant 50 DH aux premiers et 100 DH par véhicule aux seconds. Une bonne affaire, finalement, en comparaison avec la situation actuelle dans certaines artères engorgées de Casablanca. Ce qui ne change pas, en revanche, c'est qu'en cas d'infraction, des sabots seront installés sur une roue du véhicule. Et il faudra payer 50 DH (et non pas 20 DH) pour l'en délivrer, par l'entremise des agents de Parkigran, prévenus automatiquement par simple appui sur un bouton placé sur l'horodateur. Dernier détail, sachez que lorsque vous payez votre horodateur, vous ne louez que l'emplacement de stationnement. Ce qui revient à dire que Parkigran n'est en aucun cas responsable de la sécurité du véhicule. Certains en viendraient à regretter leur bon vieux gardien…
 
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Publié dans voixdestravailleurs

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